Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°234

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. Remords : les Bouddhas de Bamiyan reconstruits par des talibans repentis. Une oeuvre perdue ne se retrouve jamais.
  2. Retrouvailles : des fragments du parc d’attractions Mirapolis découvert sur le toit d’un entrepôt d’une zone d’activité périurbaine.
  3. Repli : la secte des adorateurs du Grand Marron inaugure son nouveau siège, une église-boîte de nuit.

Corpus, le musée interactif de biologie humaine, à Oegstgeest, aux Pays-Bas, livré en 2008.
Tranquillement posé sur son séant, le géant attend placidement le visiteur du haut de ses 35 mètres près la ville de Leyde, aux Pays-Bas, dans l’attitude distante du souverain posé sur son trône. Moitié-building, moitié-mec, Corpus n’a pas de quoi être à la fête : un volume de verre évoquant la chatoyance d’un immeuble de bureaux à Levallois-Perret entaille la moitié de son corps. Son siège est sculpté dans un hangar de stockage à signalétique obsolète de la Ville de Paris.
Un touriste peu charitable a gratifié Corpus du titre du « musée le plus laid de Hollande » sur un site Internet bien connu. Dure critique pour un bâtiment qui propose une promenade architecturale digne du voyage fantastique, ce film de 1966 dans lequel des médecins embarquaient dans une navette miniaturisée pour détruire un caillot mal placé. L’Américain – et c’est bien normal – voyait le corps comme une autoroute et le corps comme un territoire ; l’Européen, plus modeste, nous invite à parcourir l’humain comme un immeuble de rapport dans une éco-ZAC. Dans ce corps R+7, organisé comme un dessin de Fritz Kahn, se pose immédiatement la question qu’un biologiste négligerait sûrement, mais qu’aucun architecte ne peut se permettre d’ignorer : où est l’entrée ? La solution imaginée est des plus chirurgicales : « Tout commence par une plaie béante dans la jambe de notre géant et nous voici à l’intérieur du corps humain, en route pour un voyage qui nous mènera jusqu’à la danse des neurones qui se déroule sous le crâne de briques », nous informe le site Internet du musée.
Les professionnels du BTP apprécieront les parois de boîte crânienne en finition matière grise, l’ambiance intime des parties, le revêtement mural ganglionnaire. Moderne, l’espace corporel est aussi interactif, et la visite agrémentée par « étapes successives de la digestion : fonctionnement du coeur et autres réactions corporelles (de l’éternuement à la formation du goût sur la langue) rythmeront notre progression dans cet univers passé sous microscope ». Toux, régurgitations, aigreurs d’estomac : on craint que, comme en architecture, les malfaçons ne finissent par gâcher le voyage. Que faire alors ? Condamner l’architecte ou blâmer l’entreprise ? Les deux rôles étant concentrés dans les mains d’un unique Créateur, on voit la nécessité d’une séparation des compétences et l’urgent besoin d’une assurance pluridécennale couvrant les dégradations des grands corps malades. (Olivier Namias)

Crédit Photo : Pauline van Till

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