Cognac, une cité médiévale lovée dans une anse de la Charente où subsistent çà et là de rares traces des remparts et d’anciennes maisons à colombages. Au sud de l’emplacement de la porte d’Angoulême, depuis longtemps détruite, s’étendent les anciens faubourgs et les chais des négociants qui ont fait la fortune de la ville. C’est là que les édiles de la communauté d’agglomération ont décidé de rassembler les équipements culturels dispersés dans des édifices emblématiques mais inadaptés du cœur de ville. Ainsi le conservatoire à rayonnement intercommunal s’est-il glissé dans un ancien hôtel particulier du XIXe siècle, la villa François-1er, trop exigu cependant pour accueillir l’auditorium maintenant indispensable à son classement. Musiques classique et actuelle, chant et art dramatique y sont enseignés. Quant à la médiathèque, elle s’est installée dans une partie de l’ancien couvent du prieuré Saint-Léger, fondé au XIe siècle, dont la visibilité comme les conditions d’accès et de stationnement sont loin d’être satisfaisantes. Elle possède un fond important et s’enorgueillit d’être le siège d’une multitude d’associations très actives.
Palimpseste
Ces programmes prendront place, avec les archives de la production du Cognac, sur deux parcelles contiguës et imbriquées qui s’inscrivent dans un vaste îlot industriel. La première, la plus grande, s’ouvre au sud sur une rue en pente, la rue Plumejeau, en partie par une façade classique que les concurrents devaient préserver. Une façade qui masque un vaste atelier éclairé zénithalement par des sheds : un espace ayant abrité une capsulerie, puis une imprimerie. Mais cette parcelle recèle d’autres secrets, notamment le pavillon d’une ancienne maison de négoce noyé entre des constructions annexes plus récentes. La seconde parcelle, étroite et allongée, coulisse à l’arrière, environ 3 mètres plus bas, pour rejoindre à l’est la place Camille-Godard, un vaste parc de stationnement essentiel à l’animation de cette ville d’environ 20 000 habitants. Elle est occupée sur toute sa largeur par une halle et un long espace ombilical qui la relie à la ville.
Les équipes en concurrence ont toutes attentivement étudié ce palimpseste, rassemblant les sédiments de la mémoire industrieuse de la ville, pour y dégager le ou les éléments essentiels à partir desquels élaborer leurs propositions… C’est presque exclusivement la façade à préserver qui a retenu l’attention des lauréats, Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard, tandis que les murs séparatifs monumentaux et le pavillon rescapé de la maison de négoce ont surtout impressionné PNG et Julien Boidot. Enfin l’Atelier Philippe Madec & Associés s’est plutôt intéressé aux grandes halles, développant chacune leur ambiance propre, qui structurent le site.
STRUCTURE
Architectes : Bigoni Mortemard (Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard, architectes associés, Kevin Fuhrmann, chef de projet) [LAURÉATS]
BET : Batiserf (structure), SoLab (fluides), BMF (économiste), Vivié & Associés (acoustique), Caroline Cordier Scénograficc (scénographie), Coorpibat (OPC)
Sans doute la lecture la plus décapante des objectifs de la maîtrise d’ouvrage. La façade sur la rue est étayée par un dispositif totalement disproportionné qui renvoie aux charpentes des chais de la région. D’imposants arbalétriers en pin douglas se croisent pour maintenir à bout de bras l’élément à préserver. Vue depuis le vide du petit parking de la rue Plumejeau, l’image est saisissante : le mouvement de la structure monumentale est parfaitement mis en scène derrière une membrane de verre. Mais aucun fétichisme ! La façade dite « classique » reçoit elle aussi son traitement de choc. Elle très pertinemment transfigurée par les deux architectes qui lui font subir la chirurgie appliquée à l’infirmerie de la prison Saint-Lazare à Paris, dont ils révélaient le caractère palladien avant de la métamorphoser en bibliothèque Françoise-Sagan (2015). Les fenêtres sont ainsi débarrassées de leurs menuiseries et les linteaux inutiles sont supprimés afin de faire apparaître des arcades profondes, un rien mauresques, dans lesquelles se suspendent de lourdes lanternes plus en phase avec la nouvelle destination du lieu. Une enveloppe en tuiles canal recouvre la charpente et forme un vaste origami sous lequel les différentes nappes programmatiques se juxtaposent et se superposent librement : d’abord la médiathèque en double hauteur ; au-dessus de ses réserves, l’administration, qui reste invisible depuis la rue ; puis l’agora organique, qui serpente et joue habilement sur les niveaux pour relier l’entrée rue Plumejeau à l’auditorium et à son jardin ; tandis qu’à l’étage les différentes salles du conservatoire s’organisent indépendamment autour de leur patio planté.
MURS
Architectes : Atelier PNG (mandataire) et Atelier Julien Boidot (architecte associé)
BET : Batiserf (structure), Choulet (fluides), Ecallard (économiste), AVA (acoustique), Fred Bonnet (VRD), Artsceno (scénographie), Polygraphik (signalétique), Cécile Barani (agencement intérieur)
Pour PNG et Julien Boidot, ce sont les murs en pierre, scandés d’imposants chaînages, qui semblent essentiels, tout comme le pavillon de la maison de négoce, rasé sans états d’âme par les lauréats. Cette ancienne construction (...)
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