Foret Verticale - Chartier Dalix |
Dossier réalisé par Christine DESMOULINS |
RÉINVENTER
PARIS ?
Comme tant
d’autres maîtres d’ouvrage, la Ville de Paris incite les architectes qui
réalisent des équipements à éviter les ATEx. Qu’en pense Jean-Louis
Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l’architecture et de
l’urbanisme ? Chef d’orchestre de la consultation Réinventer Paris, il oriente
sa communication vers l’innovation. Son ambition est de faire émerger «
23 projets d’exception qui marqueront le territoire » et formeront une
nouvelle catégorie de « projets privés d’intérêt général ». À
mi-parcours, les 75 équipes retenues ont, dit-il, « relevé le défi de
concevoir l’innovation urbaine au-delà du geste architectural : dans
la mixité fonctionnelle et sociale, les manières de coconstruire un
projet, les matériaux… Elles savent traiter certaines innovations en
profondeur et proposer des projets à la pointe des nouveaux usages. » Insistant
sur la multidisciplinarité des équipes et le nombre de partenaires
mobilisés, dans des milieux comme l’art, la gastronomie et
l’agriculture urbaine… Au-delà des projets retenus, il se félicite des
synergies et des connexions que cet appel à projets a engendrées. Interrogé
sur la façon dont seront conciliés les objectifs d’optimisation de la
charge foncière et l’innovation technique et architecturale, avec sa
part d’études et d’expérimentation, il s’engage « à ce que l’innovation,
et non la charge foncière, soit le premier critère de choix. En laissant
les candidats proposer un prix adapté au programme, nous avons vu
émerger des projets très différents et le jury a pu sélectionner les
meilleurs, dès lors que la charge foncière et le programme semblaient
cohérents. Le panel et la qualité des projets déposés prouvent qu’innovation
et rentabilité ne sont pas incompatibles. Il s’agit seulement d’un changement
de paradigme dans la manière de concevoir les projets urbains ». On
peut légitimement s’interroger sur la compatibilité de cette prétention
novatrice avec les budgets dont disposent les promoteurs pour
conduire ces projets et rémunérer les maîtres d’oeuvre. « Hormis la présence
d’un architecte, la composition des équipes était entièrement libre. Certaines
équipes retenues n’incluent pas de promoteur, car la Ville souhaitait
laisser les candidats s’organiser à leur gré pour inventer de
nouvelles formes de partenariat, répond Jean-Louis Missika. Nous avons
cependant entendu les craintes des architectes quant à la façon dont
serait traité leur travail. Nous avons donc demandé que le même
architecte suive le projet de sa conception à sa réalisation. Nous
avons aussi demandé aux équipes de nous préciser, lors de la remise de
l’offre, les modalités de leur travail commun, afin d’éviter tout
abus. Le processus de “Réinventer Paris” a été inventé et adapté en
temps réel. Au terme de la compétition, les participants seront sollicités
sur leur retour sur expérience, dans l’optique de nouveaux appels à
projets. »
COMMENT
CONCILIER LES OBJECTIFS D’OPTIMISATION DE LA CHARGE FONCIÈRE ET LA PART
D’ÉTUDES LIÉE À L’INNOVATION TECHNIQUE ET ARCHITECTURALE ?
À BORDEAUX
: FAIRE BOUGER LES LIGNES
Michèle
Laruë-Charlus est directrice générale de l’aménagement de la Ville de Bordeaux.
Forte de sa volonté de décloisonner les critères du logement, elle
s’attelle à déverrouiller des règles pour inventer des produits
inédits où les habitants finiront à leur rythme une partie des travaux (voir
son interview sur la politique de terrain du quartier Brazza, d’a n°
235, mai 2015). Au terme d’une réflexion de longue haleine, elle fait bouger
les lignes en inventant des dispositifs avec des notaires et des avocats.
« On ne peut plus continuer à accumuler les règles et les oukases et
il faut cesser de demander aux promoteurs de faire plus grand, plus beau
et moins cher, car c’est irréaliste. En 2016, la Ville va acquérir du
foncier dans le quartier de Brazza et nous avons convaincu des
promoteurs de réaliser des logements neufs à finir avec l’objectif de
permis de construire fin 2016. C’est ce que nous appelons les volumes
capables (2100 euros/m2 avec 2,5 mètres de hauteur de plafond et 2400
euros/m2 avec 5 mètres de hauteur de plafond. Un 45 m2 avec 5 mètres de
plafond se vendra donc 108000 euros pour une capacité finale de 90 m2.
Les acquéreurs feront ensuite leurs travaux à leur rythme et selon
leur budget. C’est du logement sur mesure. Le volume capable est une
liberté – à prix abordable donnée à un acquéreur – d’occuper et de
faire évoluer dans le temps un espace intérieur dans une enveloppe construite
répondant aux normes réglementaires en vigueur. Nous réfléchissons à la façon
de faire évoluer le cadre législatif pour que les promoteurs travaillent
en VEFI (vente en état futur d’inachèvement). Le problème sera
d’éviter les effets d’aubaine à la revente. Lors d’un congrès d’Infonavit
(un fonds national permettant aux ouvriers d’obtenir un crédit
d’achat pour leur habitat) au Mexique, Alejandro Aravena tenait à peu
près le même discours. Il sera le prochain commissaire de la biennale de
Venise sur le thème du logement. C’est un signe et une chance. » À
Caudéran, quartier résidentiel de Bordeaux, le PLU limite désormais les
hauteurs à 7 mètres. Dans ce qui s’apparente à une vraie ville de
40000 habitants, la question des maisons individuelles dans de grands
fonciers incite la Ville de Bordeaux à réfléchir à une opération « construire dans
son jardin », qui permettrait, en adaptant le PLU et en l’ajustant à la
parcelle, une constructibilité supplémentaire avec un double avantage
: lutter contre l’étalement urbain par une densification horizontale donc,
mais aussi apporter une réponse aux propriétaires occupants vieillissants
soucieux d’améliorer leurs revenus sans quitter leur environnement
familier. « Face au vieillissement, bailleurs et promoteurs sont assez
démunis. Je pense qu’il faut y travailler avec Saint-Gobain et j’y
réfléchis aussi avec Frédérique Monjanel, directrice du développement
immobilier d’ADIM », poursuit Michèle Laruë-Charlus. Intéressée par
l’appel à idées récemment lancé par la Caisse des Dépôts (voir sur
darchitectures.com « Logements : un appel à projets innovants de la Caisse
des Dépôts »), elle milite pour les ATEx et prépare le lancement d’un
grand concours d’idées sur les lotissements en milieu périurbain.
À NICE :
UNE APPROCHE GLOBALE
Alain
Philip, directeur général des Services techniques de la métropole Nice Côte
d’Azur, mène lui aussi des projets d’envergure au sein d’une zone urbaine
qui regroupe, entre mer et montagne, et notamment dans la plaine du
Var, une palette de communes très contrastées par leur géographie autant
que leur contexte économique et social. Il insiste sur le fait que
l’expérimentation est à la fois une approche globale et une attitude
ouverte : « L’expérimentation et l’innovation ne peuvent pas être coupées de
leur contexte. Aujourd’hui, pour l’aménagement des territoires, elles
résident autant dans l’ingénierie budgétaire, le mode de gouvernance
et l’approche sociale que dans “le technique” et “le réglementaire”. C’est
cette approche globale expérimentale qui a permis à la métropole Nice Côte
d’Azur et à la Ville de Nice de mener qualitativement leurs projets dans
des délais réduits. Cet appel constant à “l’inventivité” et à la
flexibilité constitue le fil conducteur d’une politique d’aménagement et
de développement qui dégage ainsi des marges d’investissement
indispensables, tout en continuant à produire des projets mieux
adaptés à l’évolution des problématiques posées. En cela, l’Opération
d’intérêt national de la plaine du Var offre un champ
d’expérimentation privilégié. Dans le cadre évoqué ci-dessus, il est
évident que la Ville et la métropole, en tant que maîtres d’ouvrage,
ne s’interdisent pas la possibilité d’avoir recours aux ATEX si besoin
est. »
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
« En décidant de ne pas tout transformer, tout change » - Entretien avec Alexandre Chemetoff
Réutiliser, transformer, restructurer, revaloriser… autant d’actions souvent recommandées quand les enjeux de l’époque incitent à retravai… |
Vous avez aimé Chorus? Vous adorerez la facture électronique!
Depuis quelques années, les architectes qui interviennent sur des marchés publics doivent envoyer leurs factures en PDF sur la plateforme Chorus, … |
Quelle importance accorder au programme ? [suite]
C’est avec deux architectes aux pratiques forts différentes, Laurent Beaudouin et Marie-José Barthélémy, que nous poursuivons notre enquête sur… |