Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°205

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?

L’entrée du parc Sergent Pepper Lonely Heart Club’s Band, le Luna Park dédié au bon sergent Poivre sous LSD chanté par les Beatles.
Les derniers feux de la politique culturelle de Silvio Berlusconi : le musée de la Tranche napolitaine.
Du BFUP* fondu à la suite d’un été caniculaire.

un poste frontière à Sarpi, république de Géorgie. Jurgen Mayer H. Architecte. Grande année pour Jurgen Mayer H. : en juin dernier, il inaugurait une immense canopée à Séville, les Metropol Parasol. Fin septembre, c’est Georgia on My Mind pour l’architecte allemand. À Sarpi, une ville balnéaire de la mer Noire accessoirement située aux confins de la Turquie et de la Géorgie, il livre une guérite douanière accueillant en fanfare le touriste venu visiter la petite république caucasienne. L’initiative de la commande revient au président Mikheil Saakachvili, désireux de donner une image fun de son pays chahuté par la géopolitique et par son grand voisin russe. Cette fois, il n’était pas question pour Mayer de sortir son parapluie : ce bâtiment qui donne envie d’abolir les frontières semble tout droit sorti du catalogue des objets introuvables de Jacques Carelman, où il devait être rangé entre le fusil à kangourou, « dont le canon à la forme très étudiée donne à la balle une trajectoire qui suit l’animal dans ses bonds », et l’appareil à refermer les boîtes de conserve qui manque encore à nos cuisines. Les arêtes sinueuses ne sont pas sans rappeler la série La Linea, dessin animé italien des années soixante-dix dans lequel le héros était une ligne qui prenait toutes sortes de formes : la paternité est discernable dans une esquisse de l’architecte. Tout défie l’entendement dans ce bâtiment inclassable, qui ne rentre ni dans la case « canard », ni dans la case « hangar décoré », les grandes catégories bien pratiques léguées par le postmodernisme pour reconnaître les architectures. Autant que l’entrée en république de Géorgie, le Sarpi Checkpoint ne marquerait-il pas l’entrée dans le post-postmodernisme?