Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°215

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
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éponse : Les toilettes de Kumutoto à Wellington, Nouvelle-Zélande. Studio Pacific architectes.
Si la forme suit la fonction, quel doit être l’aspect de toilettes publiques ? Le Mouvement moderne n’a jamais répondu à cette question, pourtant d’importance capitale pour la bonne hygiène urbaine. Le xixe siècle, qui ne négligeait rien de ce qui pouvait traîner sur un boulevard, avait donné au programme un aspect iconique : rappelez-vous, le petit kiosque en tôle laquée verte, plutôt réservé à la gente masculine, que l’on pouvait encore voir sur le boulevard Arago, au pied du mur de la prison de la Santé. Dernier témoin d’un âge d’or de la vie parisienne, il avait été conservé à l’attention des chauffeurs de taxi et sans doute à celle des détenus qu’on ne voulait pas trop dépayser après un séjour aux longues peines. Trop pur, ou trop en avance, ce modèle de kiosque fut jeté aux orties par un xxe siècle plus moderne, qui préféra aux édicules de tôle du baron Haussmann la création de petites cabanes en ciment. Au métal succéda le béton, le bunker du lieu d’aisance, promesse d’avoir pour toujours des toilettes à disposition. Le matériau n’y fit rien et l’on ferma finalement ces lieux, pour des raisons que l’on refusera d’évoquer ici. Finis la débauche, l’entretien et la gestion compliquée, l’édile fut bien soulagé de tirer un trait sur ces commodités.
L’audace toilettaire est partie s’épanouir au Japon ou, comme ici, en Nouvelle-Zélande. Bien utiles sur la plage, les toilettes Kumutoto, dessinées par les architectes de Studio Pacific, se repèrent à leur forme étrange. Renflées dans leur partie basse, munies d’un long cou, elles évoquent un couple d’oies décapitées pendant leur fuite vers la plage. Ce détail est capital : le quidam pris d’un pressant besoin ne le notera pas, mais l’architecte cultivé ne pourra manquer de s’y arrêter. Les anatidés tiennent une place à part dans l’histoire de l’architecture, rayon postmoderne. Un « canard », faut-il le rappeler, c’est selon Venturi une construction dans laquelle la forme architecturale est subordonnée à un symbole. Le bâtiment qui baptisa cette catégorie architecturale était un canard en béton abritant une boutique d’œufs de cane. Certes, les toilettes de nos amis néo-zélandais évoquent aussi l’urinal, ou pistolet à urine. Mais cette similitude formelle ne fait qu’en renforcer l’aspect « canard ». Que l’animal soit décapité est un signe fort qu’il faut savoir interpréter : comme le modernisme est mort par implosion à Saint-Louis, le postmodernisme ne vient-il pas de périr en hémisphère sud dans les toilettes d’une plage publique de Wellington ? Le postmoderne a fini aux vécés, vive le post-postmodernisme ! (ON)

Photo : © Studio Pacific

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