La Passerelle, un nouvel espace culturel à Trévoux (01)

Architecte : Pierre Vurpas et Associés Architectes
Rédigé par les architectes
Publié le 30/01/2014

Le projet revalorise le bâtiment historique de l'hôpital de Trévoux, bâti sur les anciens remparts. Il s'installe à la place d'annexes et de dépendances.


Incandescente

Un galet taillé comme un diamant, un parvis minéral qui s'étire pour guider les passants vers l'entrée, une façade de verre changeante comme le ciel et dorée comme le cuivre, les mots du dictionnaire ancien gravés sur le vitrage, illuminé par des rideaux de métal tissés, «La Passerelle», nouvel espace culturel de Trévoux, s'insère contre l'hôpital comme un morceau de puzzle manquant, faisant coïncider parfaitement histoire et architecture contemporaine. Le programme s'inspire de son riche patrimoine littéraire et architectural pour créer un lieu de pédagogie, de culture et de partage qui rassemble une école de musique, une médiathèque, un CIAP (Centre d'Interprétation de l'Architecture et du Patrimoine), une apothicairerie, une salle d'exposition et une salle polyvalente équipée pour être un cinéma.


Entrer en résonance avec un lieu et son histoire

S'installer durablement

Le projet s'inscrit en continuité entre la mise en valeur de l'édifice historique dans le plus grand respect de son intégrité et l'utilisation d'un langage contemporain pour le nouvel équipement. Du point de vue urbain, l'objectif est de retrouver l'alignement des remparts pour créer un front continu le long des bords de Saône. Pour cela, la démolition des annexes revalorise la façade sud de l'hôpital, le réoriente vers la rivière et l'ouvre sur la place du Pont nouvellement créée. La médiathèque occupe toute l'épaisseur du vide laissé entre l'hôpital et l'hôtel réhabilité. Au nord, côté ville, la façade s'aligne avec l'hôpital, en limite de parcelle, devant une petite place pavée. La ruelle du Cornet qui est la plus ancienne venelle de la commune est restaurée et le passage rétabli vers la placette. Le gabarit général respecte celui de l'hôpital et se connecte sur le point haut des maisons avoisinantes. Les toitures terrasses, visibles d'en haut, comme l'ensemble des constructions de Trévoux, sont végétalisées ou recouvertes de briques posées sur chant pour se fondre dans les coloris des toits de tuiles. En face, Le Pavillon des Arts, comme un galet de pierre réorganise l'espace public. Il cadre la nouvelle Place du Pont, oriente le piéton par ses faces biseautées, protège la médiathèque des nuisances sonores et visuelles de la circulation du quai.


Programme mixte, organisation simple

Le programme est généreux en terme d'équipements, ambitieux et pointu. Il mêle mémoire, culture et pédagogie et s'affirme comme un projet engagé et fort de la maîtrise d'ouvrage. L'école de musique s'installe dans l'aile sud du bâtiment historique réhabilité. Par cette implantation, elle garde son indépendance tout en conservant une grande visibilité et bénéficie de la noblesse et du prestige de l'édifice. Une réhabilitation lourde a été faîte à partir des travaux réalisés dans les années 80, qui divisaient les grandes salles de malades en deux étages. Le rez-de-chaussée accueille les fonctions administratives et une petite salle de répétition alors que les deux niveaux supérieurs hébergent des salles de cours individuels et collectifs, avec un dispositif structurel garantissant un excellent confort acoustique. L'étage des combles est équipé pour une future extension. Les différents programmes sont connectés. D'une part, une liaison existe entre école de musique et médiathèque par les services internes, non ouverts au public. Un fond éditorial musical est à la disposition des élèves. D'autre part, la proximité du Pavillon des Arts facilite l'accès à une salle de répétition / salle de concert.

La médiathèque qualifie tout le projet avec sa façade incandescente, nouveau rempart du XXI° siècle. Elle occupe l'aile est de l'hôpital et pour sa partie neuve, tout l'espace entre les deux bâtiments. Lisibilité et fluidité ont guidé la conception d'un équipement développé sur trois grands plateaux ouverts, comme suspendus dans le vide, baignant dans une abondante lumière naturelle provenant de la face sud et des verrières zénitales. Le Dictionnaire de Trévoux est mis en scène au centre du rez-de-chaussée, comme au coeur du bâtiment, où il rejoint les collections patrimoniales. Il est consultable dans une pièce vitrée, sécurisée, avec des conditions optimales: lumière calibrée et hygrométrie contrôlée. L'ambiance d'un cabinet de lecture est recréée. Il jouxte le CIAP et l'Apothicairerie. L'ensemble appelé Carré des Patrimoines tient la vitrine de la façade nord en lien avec la ville historique, directement accessible depuis la Ruelle du Cornet et la placette pavée. Ces deux espaces éclairent l'histoire de Trévoux et son patrimoine. Face au Dictionnaire, ils agissent en témoin de l'histoire locale. L'apothicairerie est l'originale, celle qui existait dans l'hôpital. Les boiseries ont été déposées et remontées. Les pots sont classés. Le visiteur profite de l'ambiance particulière d'un lieu ouvert qui n'est pas muséifié mais rendu vivant par une scénographie originale, qui projette au sol et en mouvement, un certain nombre de signes et d'informations. Le CIAP s'organise autour d'une maquette du territoire pour raconter l'histoire à partir de différents contenus, mis en scène de manière ludique et esthétique. Le Pavillon des arts fait le pendant à la médiathèque. Il abrite des espaces mutualisés et mutualisables qui donnent une cohérence à l'ensemble des programmes. Très fermé côté quai, très ouvert côté place, il abrite une salle d'expositions visible de l'extérieur et une salle polyvalente, équipée de gradins rétractables lui permettant d'être aussi bien salle de conférences, de spectacles, de répétitions ou cinéma.


Jouer d'une discrète évidence

Le contact permanent entre patrimoine et modernité se fait sans heurts et dégage une ambiance calme et sereine. Les architectes ont fait le choix d'une «ligne claire», qui privilégie des formes simples, des matériaux peu nombreux mais choisis avec harmonie, conçus pour se patiner plutôt que vieillir. Transparence, clarté et finesse sont les caractéristiques d'un projet qui réussit à faire rimer mémoire, contexte et création. Les architectes se sont imprégnés et inspirés de tout ce qui fait le site et le patrimoine de Trévoux : la tonalité générale de la ville ancienne minérale et unitaire, le « doré » des tranches des livres anciens, la monnaie, le fil métallique précieux, les bois de noyer de l'apothicairerie, la qualité du graphisme du dictionnaire et cette lumière particulière, amplifiée par les reflets sur la Saône. La réponse, comme un écho, se fait par le choix des matériaux comme enduits, pierres, sol de béton teinté, galets, choisis dans les tonalités « sable ». Tout est rehaussé par l'accroche de la lumière sur les parties dorées et le jeu des reflets qui se créent. Sur le même principe, l'ensemble du mobilier est choisi dans des teintes du jaune au cuivré. Le Dictionnaire et le Journal de Trévoux occupent, avec les livres anciens, le coeur du bâtiment dans des conditions optimisées et une ambiance de cabinet de lecture. Cette pièce particulière se trouve en face du Carré des Patrimoines, à l'articulation entre la médiathèque et le CIAP.


L'opaque, la transparence, les reflets.

Entre opaque et transparente, lisse et rugueuse, épaisse et mince, la matière des façades est travaillée avec précision pour former différentes peaux qui décrivent le projet. Dans une symbolique entre passé et avenir un équilibre est trouvé entre « tout vitré » et «tout opaque» Aucun mimétisme patrimonial n'est recherché, l'écriture choisie est simple, finement dessinée. Du côté de la transparence, les façades de verre, lumineuses et évanescentes, sont la marque de fabrique du projet. Face à face, ce sont celles de la médiathèque et du Pavillon des Arts. Plein sud, la double paroi bénéficie des apports solaires tout en jouant le rôle de filtre thermique et de galerie technique. Plein nord, le simple vitrage joue simultanément l'effet d'écho et de miroir. Des mots du Dictionnaire de Trévoux sont sérigraphiés, animent la façade en maintenant les vues sur la rivière. Au rez-de-chaussée, ils ont été choisis par une commission, dans les étages supérieurs, ils sont sélectionnés pour leur effet graphique. Au sud, des rideaux tissés de fils métalliques cuivrés et émaillés rappellent les scintillements de la rivière et la tranche des livres précieux. Suspendus et guidés sur rails, ils peuvent coulisser. Ils sont le fruit d'un travail de recherche mené avec la créatrice Sophie Mallebranche, spécialiste du tissage du métal. Des mailles irrégulières produisent un effet changeant suivant les heures du jour et les saisons. Une argue est exposée dans la cour intérieure de l'hôpital. L'argue est l'ancêtre de la filière, avec seulement trois spécimens en France : à Paris, Lyon et Trévoux. Reconstituée en 1999 d'après l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, elle est composé d'un cabestan vertical, actionné par 4 hommes, qui entraîne un câble au bout duquel une tenaille crénelée maintient le lingot à étirer. Du côté de l'opaque, plusieurs cas se profilent. La façade de l'hôpital, réhabilitée, reprend son épaisseur renforcée par sa proximité avec la fine peau de verre. L'objectif est de retrouver sa lisibilité et son aspect initial avec des proportions de châssis d'étage d'origine (baies recalibrées, allèges rehaussées, remise en place des fenêtres dans les combles) et supprimer les éléments récemment rajoutés. Une modénature classique des façades sur le parvis et la cour intérieure est composée d'un soubassement cannelé et revêtue d'un enduit à la chaux dans les teintes de grège et brun. Le Pavillon des Arts et la façade nord ont pour parement une pierre calcaire, la pierre de Massangis, dont la couleur entre gris et beige s'accorde aussi bien avec l'hôpital qu'avec les murs de pierres dorées du village. Sur la façade nord, tout un travail de composition générale réaffirme des alignements, cordons, cannelures, proportion des ouvertures. Pour le Pavillon, un calepinage de pierres agrafées et lisses est privilégié pour accentuer l'effet de galet.

De cette riche histoire reste visible un patrimoine urbain et architectural d'une rare qualité et densité. L'hôpital installé sur la trace des remparts, le Parlement et l'église, le château, les petites rues médiévales escarpées, la passerelle et son prolongement … Mais si Trévoux tire son caractère de son histoire, elle le doit aussi pour beaucoup à sa géographie. En effet, la Saône, normalement orientée nord / sud, forme, à cet endroit là, un large méandre qui lui offre à la fois un port et une plage plein sud. Le site bénéficie d'un potentiel paysager inédit simultanément par la visibilité qui lui est donnée et par les vues sur la rivière. Au pied du plateau de la Dombes, la commune est bâtie dans la pente et suit la topographie en révélant la puissance du lieu.



Maîtres d'ouvrages : Communauté de communes Saône Vallée (CCSV)

Maîtres d'oeuvres : Pierre VURPAS et Associés Architectes, architecture, économie ; Arpège Ingéniérie, OPC ; BET – Tecbat, structure ; Auberger Favre, fluides ; Acouphen Ingéniérie, acoustique ; Yves Kneusé, scénographie ; Daphné Vurpas - Agathe faure, signalétique.

Entreprises : AG DEVELOPMENT, désamiantage ; GONNET DEMOLITIONS, démolitions ; SOLETANCHE, fondations spéciales ; TOURNIER, gros-oeuvre – maçonnerie ; FARJOT TOITURES, couverture - traitement de charpente ; SOLOSEC, étanchéité ; VINCENT, façades ; ROCAMAT, façades pierre ; E3M, menuiseries aluminium - façade rideau ; BLANCHET, métallerie ; BLANC MENUISERIE, menuiserie extérieure bois ; ATELIER DES AGENCEURS, menuiserie intérieure bois ; AUBONNET, plâtrerie - peinture - faux plafond ; SOLS REALISATION, sols souples ; OTIS, ascenseurs ; DUGELET, électricité CF/cf ; GUERIN, chauffage – ventilation – plomberie ; JEZET SEATING, tribunes télescopiques ; TEVILOJ, stores - serrurerie scénique ; ELLIPSE, mobilier sur mesure ; BRM, mobilier spécifique ; ARRIVETZ, mobilier ; Sophie Mallebranche® Material Design Group, création des panneaux de façades ; Corler tapissier, finitions.

Surface SHON : 2 800 m2 SHON (dont 1 150 en réhabilitation et 1 650 en extension)

Coût : 4,7 M€ HT ; Mobilier, scénographie, signalétique : 470 000 € HT

Date de livraison : décembre 2013


Entrée de La Passerelle © Alessandro Clemenza Le parvis<br/> Crédit photo : DR  Plan Masse<br/> Crédit photo : DR  Transparence © CCSV Louis Houdus<br/> Crédit photo : DR  Salle de lecture © Pierre Vurpas et Associés<br/> Crédit photo : DR  Le CIAP<br/> Crédit photo : DR  Le pavillon des arts<br/> Crédit photo : DR  Résonance<br/> Crédit photo : DR  Incandescence © Pierre Vurpas et Associés<br/> Crédit photo : DR  Coupe <br/> Crédit photo : DR  Coupe <br/> Crédit photo : DR  Coupe<br/> Crédit photo : DR  RDC<br/> Crédit photo : DR

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