Architecte : Preston Scott Cohen Rédigé par Alireza RAZAVI Publié le 20/12/2011 |
La nouvelle aile du
musée d'Art moderne de Tel-Aviv, conçue
par l'architecte américain Preston Scott Cohen à la suite d'un
concours remporté en 2003, est une réalisation singulière qui
contribue à l'architecture d'une ville déjà riche d'un
patrimoine moderniste unique. Ce projet d'extension du musée
existant (construit en 1971 par les architectes Eytan & Yashar
dans un pur style brutaliste) devait avant tout apporter une solution
spatiale à un site dont la géométrie triangulaire se trouvait en
conflit avec le cahier des charges de « grandes salles
rectangulaires » souhaitées par le musée. Scott Cohen, qui
préside le département d'architecture à la Graduate School of
Design d'Harvard, s'investit depuis longtemps dans une réflexion
sur les nouveaux médias et l'architecture. Le musée de Tel-Aviv a
fourni une première opportunité pour matérialiser cette démarche
intellectuelle.
Une géométrie complexe
La solution d'organisation générale qu'il a proposée a consisté à superposer les différents niveaux du musée selon des axes différents d'étage en étage. Les différents plateaux sont unifiés verticalement par une circulation centrale, également puits de lumière, espace que l'architecte qualifie de « chute de lumière ». Elle doit résoudre les différentes géométries d'étages entre elles. Aussi revêt-elle une spatialité distincte et complexe, composée d'une succession de surfaces à double courbure mariant rampes de circulation, parois verticales et ouvertures horizontales. Cet espace central, sorte de vortex, constitue l'identité forte du musée. Il est construit en béton brut de décoffrage, enduit d'une part et laissé brut de l'autre afin d'en souligner la finesse. Même si cette typologie n'est pas sans rappeler celle du Guggenheim de New York, ici les hiérarchies et les perspectives sont changeantes dès qu'on se déplace, appelant le visiteur à reconsidérer les espaces de salle en salle.
La structure du
bâtiment, elle, est en acier et son revêtement extérieur est
constitué de panneaux de béton préfabriqués in situ. Cette peau
extérieure triangulée est la solution apportée dans la phase
d'étude du projet afin de résoudre la géométrie de façade,
également conçue initialement avec des doubles courbures. Mais si
les parties constitutives de la « chute de lumière » ont
pu être coffrées sur place, les façades – en raison des
porte-à -faux importants – n'offraient pas cette possibilité. La
surface de l'enveloppe a donc été triangulée en 465 panneaux de
différentes tailles, allant de 6 à 8 tonnes. Le résultat est une
écriture très réussie depuis l'esplanade publique, puisqu'elle
distingue le nouveau bâtiment de son contexte architectural immédiat
par un contraste que l'on pourrait décrire comme une opposition
entre abstraction et figuration.
Quelle avant-garde ?
La volonté de l'architecte a été de s'inscrire dans un langage formel dont la filiation à la culture numérique contemporaine est évidente. Ni la conception, ni la réalisation des géométries proposées n'auraient été possibles sans l'outil numérique. Notre souci n'étant pas ici de juger de la pertinence de l'outil, il conviendra surtout de faire remarquer que le résultat obtenu est d'une grande pertinence vis-à -vis d'une culture contemporaine où l'omniprésence du numérique est désormais chose acquise. Mais le conflit existe encore entre l'idéal numérique – toujours éthéré, libre de joints, de raccords – et la réalité constructive dans laquelle la tolérance performative n'est pas celle de l'outil informatique (infime) mais celui de nos outils et des hommes qui les manipulent.
Le projet est conçu pour être réalisé dans un idéal constructif unitaire qui n'existe pas pour l'heure au niveau de la mise en œuvre traditionnelle. La succession des corps d'état est source d'amplification d'infimes décalages ; ce qui, dans le gros œuvre, peut passer inaperçu apparaît amplifié lorsque la peinture est faite. Mais ces disparités entre conception et exécution sont sans nul doute appelées à disparaître à terme et le nouveau musée de Tel-Aviv met en lumière une dimension plus intéressante de la conception numérique en architecture, en matérialisant cette volonté de s'inscrire dans l'avant-garde par l'usage total du médium, jusqu'à devoir en subir les contraintes géométriques. Ainsi, la « chute de lumière » procure en tout premier lieu un effet de virtuosité géométrique gratuit car il est difficile de percevoir pourquoi la séquence de surfaces à double courbure apporte une solution efficace à un problème spatial ou constructif donné.
L'usage de
surfaces en double courbure n'est certainement pas une nouveauté
en architecture ou en art plastique ; de Luigi Nervi et Felix
Candela à Frei Otto et FTL, pour les structures légères, ou les
sculptures de Pevsner, la double courbure a été mise en œuvre
maintes fois avec un objectif avéré de légèreté visuelle et
matérielle, d'économie de matériaux et d'efficacité
structurelle. À Tel-Aviv, l'usage de la géométrie semble
davantage motivé par la création d'un effet de prouesse en
s'affranchissant d'assemblages connus. Mais difficile de
distinguer dans cette démarche une intelligence propre a une culture
constructive.
Zeitgeist
En revanche, le bâtiment suggère la possibilité d'une nouvelle typologie programmatique, d'une redéfinition des séquences spatiales qui apportent indiscutablement une expérience spatiale et une narration tout à fait nouvelles. À ce titre, les espaces évoquent parfaitement la zeitgeist, l'esthétique numérique des nouveaux médias et il suffit pour s'en convaincre de faire un tour dans les espaces de l'ancienne aile du musée. La séquence structurelle (très présente) impose un monumentalisme rythmé, une perception déjà connue, que l'œil complète à mesure que l'on avance, une expérience temporelle familière. La trame structurelle renvoie à un rythme de continuité et de répétitivité qui semble appartenir à un siècle lointain.
Dans la nouvelle aile, la hiérarchie spatiale n'existe pas, les possibilités de parcours et d'expositions sont multiples, les mises en relation inattendues et variables. Tous ces dispositifs sont à l'image des flux auxquels nous sommes aujourd'hui exposés. C'est sans aucun doute cette redistribution des hiérarchisations structurelles, spatiales et programmatiques qui constitue la nature singulière de cette réalisation. Elle inaugure une pertinence de la forme construite vis-à -vis de la culture contemporaine qui lui donne le jour.
L'idée de variation géométrique, de la multiplicité des expériences sensorielles, de l'absence d'un rythme des points porteurs (s'agissant d'un bâtiment dont la structure n'est jamais exprimée), d'une lecture totale toujours transitionnelle, inaugure ici une expression nouvelle. L'architecture semble plus que jamais s'affranchir de sa statique traditionnelle pour évoquer un mouvement figé, un instantané, une décomposition, à la façon des photographies de Marey ou Muybridge, peut-être pour suggérer qu'elle est avant tout évolution et dépendante de son essence : la technique.
Maîtres d'ouvrages : Motti Omer, directeur et
conservatoire en chef du musée
Maîtres d'oeuvres : Preston
Scott Cohen, Inc. Amit Nemlich, chef de projet
Entreprises :
structures, YSS Consulting Engineers Ltd., Dani Shacham ;
fluides, M. Doron - I. Shahar and Co., Consulting Eng. Ltd. ;
éclairagiste, Tillotson Design Associates, New York – Entreprise
générale, Hezkelevitch Engineering
Surface SHON : 18 500 m2
Cout : 55 millions de dollars (environ 40,48 millions
d'euros)
Date de livraison : 2007-2010
Maître d’ouvrage : mairie de CoudouxMaîtrise d’œuvre : Atelier Régis Roudil Architectes, AmÃ… [...] |
Maître d’ouvrage : Ville de Quesnoy-sur-DeûleMaîtres d’œuvre : Hart Berteloot Atelier Archit… [...] |
Maîtrise d’ouvrage : département des Alpes-MaritimesMaîtrise d’œuvre : Atelier Combas archit… [...] |
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