Salle associative citoyenne, Tréméven, Côtes-d’Armor

Architecte : BRA.
Rédigé par Maryse QUINTON
Publié le 05/09/2022

À tréméven, l’agence BRA. Livre une opération modeste par sa taille mais hautement symbolique pour ce petit village des Côtes-d’armor. La transformation de l’ancienne école publique et la démolition de la salle des fêtes, insalubre, ont permis la réalisation d’un nouvel équipement municipal qui va bien au-delà de son programme en démultipliant les possibilités d’usages et les situations spatiales.



Pour que cette opération voie le jour à Tréméven, il aura fallu la détermination de l’ancienne maire, Chantal Delugin, qui a eu la double audace de croire en une architecture contemporaine dans ce petit village breton de 350 âmes et en une jeune agence, BRA., qui n’avait à son actif qu’une poignée d’extensions de maisons. Accompagnant la municipalité dans sa réflexion, le CAUE 22 a joué un rôle actif dans ce projet, à travers l’organisation de visites qui ont aidé cette commune rurale, située à 14 kilomètres de Paimpol et à 34 de Saint-Brieuc, à clarifier ses besoins et à organiser la consultation. Modeste par sa taille et son budget, l’opération n’en est pas moins symbolique pour Tréméven. Il s’agit, d’une part, de transformer l’école qui a fermé ses portes en 2000 faute d’élèves et, d’autre part, de démolir la salle des fêtes de mauvaise facture, amiantée et insalubre. Construit en 1938 pour accueillir les réfugiés de la guerre d’Espagne, ce bâtiment en préfabriqué servit de stockage de grains de la minoterie locale avant de devenir un haut lieu de bals. Depuis les années 1970, cette salle municipale a vu défiler les principaux événements du village, laissant de nombreux souvenirs à ses habitants. Mais le projet représente aussi un enjeu financier conséquent puisque le coût de l’opération est peu ou prou le budget annuel de la commune. 

 


Questionner la ruralité 

Rattrapés par l’envie d’agir sur le territoire breton, les architectes Simon Masson et Timothée Château se sont associés en 2016 à Rennes, après avoir travaillé chez Jean Guervilly, Studio Muoto, Hardel Le Bihan, BIG et Jean Nouvel. Tréméven offre à BRA. l’opportunité de leur première commande publique, qu’ils vont remporter en osant le pas de côté. Si l’ancienne école est pressentie pour être réhabilitée et agrandie afin d’y loger la nouvelle salle municipale, les deux architectes proposent de la laisser vide et de construire un nouveau bâtiment sur le terrain libre à côté. Ce parti pris qui élargit la réflexion à l’échelle urbaine offre l’occasion de relier les deux entités principales du village : un paysage végétal à l’est (avec la présence d’un lotissement à l’entrée de la commune) et un paysage minéral à l’ouest, celui du centre-bourg. Mise à nu, l’école a fait l’objet d’un curage en profondeur révélant cet élément de patrimoine typiquement breton. Libérée de tout second œuvre superflu (doublages, faux plafond), elle renoue avec son aspect initial et ses pierres d’origine. Les menuiseries des fenêtres ont été supprimées (simplement remplacées par des vitrages pincés), ainsi que les anciennes portes et le pignon sud. Ces ouvertures invitent à entrer et à traverser librement ce lieu cher aux habitants, à la manière d’une place publique couverte. Perpendiculairement à l’école vient s’implanter la nouvelle salle municipale. Guidée par l’économie de moyens, elle convoque des matériaux efficients : parpaings bruts pour les cloisons, OSB pour les éléments de mobilier, panneaux de Fibralith pour le traitement acoustique, une dalle en béton poncé et poli au sol, de la tôle galvanisée en couverture et bardage. Elle est largement vitrée sur trois de ses côtés, s’affranchissant des notions d’avant et d’arrière et laissant la vue filer de part en part sur le village. La proximité immédiate de la nouvelle salle et de l’ancienne école reliées par une galerie façonne un ensemble à géométrie variable, favorisant une grande diversité d’usages et de situations spatiales : dehors/dedans, ouvert/fermé, possibilités de jauges multiples, de déborder dans l’espace public... D’un point de vue constructif, cette nouvelle salle (70 places assises, 100 debout) est réduite à sa plus simple expression, un parallélépipède pourvu d’un bloc technique qui rassemble les sanitaires et l’office de réchauffe. Les baies en accordéon sur la plus grande des façades augmentent cette volonté d’ouverture sur l’espace public et l’école. Le mobilier est dessiné sur mesure : un grand meuble de rangement pour stocker tables et chaises tandis qu’un bar mobile sur roulettes se déplace au gré des besoins. « Un bâtiment couteau suisse », résument les architectes, conscients de ce que peuvent être les besoins d’un village et soucieux de rendre les lieux appropriables par le plus grand nombre. 

Avec 380 000 euros, 295 m2 et de l’audace, Tréméven retrouve naturellement un centre et un lieu de vie, témoignant une nouvelle fois du rôle crucial que peuvent jouer les architectes dans la réactivation de ces territoires ruraux. Tout le monde y a gagné. Ceux qui ont fréquenté l’école peuvent à nouveau s’y rendre. Quant à la nouvelle salle municipale, lumineuse, confortable, ouverte à tous les usages, même les plus nostalgiques n’ont eu d’autre choix que de l’admettre : ce n’était pas mieux avant.



Maîtres d'ouvrages : Commune de Tréméven 
Maîtres d'oeuvres : BRA. – Cotraitants : 3C éco (structure) / Folk Paysages (paysage) / Cédric Desmonts (économie) / Acoustibel (acoustique)
Entreprises : Le Maitre Lebreton, ATS, HomeCréation, Menuiserie Broudic, LaCharpenterie, Armorique Constructions, Sefra, Thouenon Ébénisterie, SAE, Christian Morice TP, Socotec
Surfaces : 295 m2 (200 m2 pour la nouvelle salle + 95 m2 pour l’ancienne école)
Coût : 380 000 euros HT (dont 50 000 euros de mobilier : éléments de cuisine de l’office de réchauffe, tables, chaises, chariots)
Date de livraison : novembre 2021

Salle associative citoyenne, Tréméven, Côtes-d’armor<br/> Crédit photo : CHEN Aurélien

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