Trois bâtiments universitaires, Damigny, Orne

Architecte : Philippe Challes
Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 24/05/2007

Lauréat en 2001 d’un premier concours pour la construction d’un bâtiment universitaire sur le campus Montfoulon près d’Alençon, Philippe Challes a remporté en 2004 un nouveau concours concernant deux autres bâtiments d’enseignement, une bibliothèque et un IUFM. S’il doit cette réussite autant au talent qu’au hasard, l’opportunité de réaliser plusieurs édifices sur un même site est une véritable chance. L’occasion de faire la preuve par trois de la cohérence et de la validité de son écriture minimaliste.


Sur le campus d’Alençon, on reconnaît les bâtiments livrés récemment par Philippe Challes à leur allure plutôt austère et rigoureuse. Alors que les bâtisseurs qui s’étaient succédé sur le site, sans doute pour montrer leur « patte Â» d’architecte, avaient privilégié les volumes biscornus utilisant tout le catalogue de matériaux du moment – béton préfa, bardages métalliques, menuiserie alu laqué et verre miroir –, Philippe Challes s’est restreint à des volumes sobres et des matériaux qui ne le sont pas moins. De loin, les trois bâtiments – un IUFM (Institut de formation des maîtres), une bibliothèque et l’antenne d’une université de droit – ressembleraient presque à ces fameuses « boîtes Â» des parcs d’activités suburbains : autonomes et isolés les uns des autres, construits sur un ou deux niveaux, en prise directe avec le terrain sur lequel ils ont été posés. Les grandes parois vitrées de la bibliothèque, les portes de l’amphithéâtre ou de l’IUFM, comme les fenêtres des salles de classe, ouvrent sur le terrain sans le secours d’un quelconque filtre qui aurait assuré une transition plus douce entre intérieur et extérieur. La même rudesse se retrouve dans les matériaux employés en façade : du béton brut non poli, ne cachant pas ses éventuels accidents de décoffrage, des planches de bois brut teintées dans la masse. Seul le raffinement des menuiseries de fenêtres tranche avec ce parti brutaliste que l’on retrouvera dans les amé-nagements intérieurs.

Disposées le long d’une même ligne dictée par le plan d’urbanisme, les trois constructions viennent fermer le terrain du campus au nord, offrant une cour commune à ces objets disparates. Cet ensemble dégage une force que ne possèdent pas les autres bâtiments aux styles plus ostentatoires, permettant de mieux circonscrire cette ébauche de grand parc.

D’où vient cette mise en tension de l’espace ? Rappelons que les trois édifices ont été construits séparément par un même archi-tecte qui a évité le piège de la sérialité. Le lien entre eux ne provient donc pas de la déclinaison d’un élément architectonique se modifiant d’un édifice à l’autre. En observant mieux les façades donnant sur le centre du campus, on aperçoit des retraits, des porte-à-faux et des avancées. Un fil invisible donné par le programme unit les trois bâtiments.

Pour traverser le campus à couvert, la maîtrise d’ouvrage avait demandé à l’architecte d’assurer un passage le long des bâtiments afin de les relier au futur réfectoire. Cette liaison passe sous le porte-à-faux de l’IUFM, pénètre dans le hall de la bibliothèque pour ressortir sous sa loggia, parvenant enfin dans la rue intérieure du bâtiment du Deug. Matérialisé de différentes façons, ce cheminement constitue l’épine dorsale des trois projets qu’il permet de parcourir, longer et traverser. Il relie les différents espaces des bâtiments, eux aussi structurés autour de circulations secondaires.

Comment définir un espace qui parvienne à se constituer comme lieu habitable parmi ces champs, vaste paysage ouvert de l’Orne ? Compacts et ramassés sur eux-mêmes, les trois réalisations de Philippe Challes créent à l’intérieur les micro-lieux qu’elles n’ont pas le pouvoir de structurer à l’extérieur : patio, hall et palier sont les véritables endroits autour desquels s’organise la vie. Par leurs différentes échelles, leur contiguïté ou non, ils déterminent l’intensité des relations dans les bâtiments. La grande circulation prolonge ce jeu par le biais de traversées et de transparences. Seul l’espace des classes, toujours tourné vers l’extérieur, permet de s’extraire du lieu pour s’ouvrir au grand paysage.

Autonomes les uns par rapport aux autres mais traversés des flux qui les animent (le passage des étudiants se rendant au réfectoire, passant du parking au centre du campus ou rejoignant l’amphithéâtre commun), les bâtiments de Philippe Challes deviennent des îlots hospitaliers sur lesquels prendre pied. La manière dont ils organisent et concentrent les cheminements de ceux qui les parcourent n’est sûrement pas étrangère à la force qu’ils dégagent de l’extérieur.




[ Maître d’ouvrage : conseil général de l’Orne, direction du Patrimoine, pour l’université de Basse-Normandie – Maître d’œuvre : Philippe Challes, architecte mandataire â€“ Collabora-teurs : Hervé Ceneda, chef de projet, études et chantier ; Yannick Lesage, assistant, concours (IUFM, BU) ; Foued Hammami, concours et études (Deug) – BET : structure, Semo ; acoustique, Impact Acoustic ; HQE®, Cap Terre – BET pour le bâtiment Deug : Mizrahi ; économiste, Fabrice Bougon – IUFM : surface, 2 055 m2 Shon ; coût, 2,5 millions d'euros HT (valeur juillet 2005) ; livraison, septembre 2006 – Bibliothèque universitaire : surface,
1 130 m2 Shon ; coût, 1,4 million d'euros HT (valeur
juillet 2005) ; livraison, octobre 2006 – Bâtiment du Deug de droit : surface, 1 605 m2 Shon ; coût, 2,12 millions d'euros HT (valeur juillet 2002) ; livraison, septembre 2003 ]

Disposées le long d'une même ligne dictée par le plan d'urbanisme, les trois consructions ferment le terrain du campus au nord. <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MÜLLER Patrick  <br/> Crédit photo : MULLER Pierre-Henry Plan masse RDC

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