« The Elephant in the room »
« C’est l’éléphant dans la pièce ! » Cette expression a été inventée par les Américains pour décrire une situation dans laquelle une chose est tellement évidente que l’on ne dispose plus du recul nécessaire pour en comprendre l’omniprésence. Cette métaphore s’appliquerait parfaitement à l’évocation de la place qu’occupe le système des concours dans le petit monde de l’architecture française. La France est en effet le pays où l’on a organisé jusqu’à ces dernières années le plus grand nombre de concours de maîtrise d’œuvre. Cette pratique a indiscutablement déterminé le paysage de la production bâtie, du moins pour ce qui concerne la commande publique.
Le processus de conception du projet, le projet lui-même et la manière de le représenter en ont été profondément modifiés. Or pour beaucoup d’intervenants, tout se passe comme si le concours se réduisait à une simple mise en concurrence sur appel d’offres. Et lorsque les architectes en parlent, c’est soit pour s’en plaindre (épuisant, inaccessible, mal rémunéré ou pipé), soit pour déplorer tout de même, à travers leurs organisations professionnelles, que son existence soit remise en cause (PPP, Mapa…).
L’étude du dispositif du « concours », parce qu’elle permettrait de plonger au cœur du processus créatif de l’architecte et de la définition des critères qualitatifs de jugement du jury, devrait pourtant être un sujet essentiel pour les chercheurs en architecture. Mais qui connaît vraiment les données du phénomène, qui a recensé le nombre, le type et le destin de toutes ces consultations ? Pour en savoir plus, nous avons dû aller au Québec où le Laboratoire d’étude de l’architecture potentielle (LEAP) de l’Université de Montréal travaille sur ces questions depuis plus d’une décennie, avec des chercheurs du monde entier. Nous lui avons ouvert nos pages ce mois-ci pour que – espérons-le – on commence enfin à s’intéresser à l’éléphant dans la pièce française.
Emmanuel Caille