Éloge de l’inconstance
Tout le monde s’accorde à dire que l’amélioration des qualités thermiques du patrimoine construit est l’un des plus importants chantiers des années à venir. C’est également celui qui, loin devant les gadgets photovoltaïques, fera baisser notre consommation énergétique et la pollution qu’elle entraîne. Mais tout le monde ne s’accorde pas sur les moyens d’y parvenir : réglementations délirantes, labels inutiles, experts bidons et industriels avides se sont également engouffrés dans le marché prometteur de la réhabilitation. Comme le sot qui regarde le doigt quand le sage lui montre la lune, il semble qu’on s’attache plus souvent à soigner les symptômes que la maladie. Beaucoup des moyens préconisés pour rénover et « mettre aux normes » notre patrimoine, et plus communément les constructions préindustrielles, trahissent l’ignorance de ces bâtiments dont la physiologie est finalement très mal comprise. Dans ce numéro d’avril, des historiens et des architectes dénoncent la manière dont sont pensées la plupart des interventions actuelles qui, partant de postulats énergétiques inappropriés, annihilent l’extraordinaire potentiel de ce patrimoine qu’elles entendent soigner. Eux ont su mettre en œuvre avec succès des solutions, non seulement en s’adaptant à cette architecture mais en profitant surtout de ses ressources : amplifiant des effets habituellement considérés comme des nuisances, ils savent les transformer en atouts.
Maîtrisant parfaitement leur art, ils nous montrent cependant qu’envisager d’abord les problèmes environnementaux par la technique est une perspective à courte vue. Dans un éloge de l’inconstance thermique, ils nous invitent avant tout à savourer les « températures flottantes », et plus généralement à repenser nos modes de vie et les notions de confort.
Emmanuel Caille